Lorsque j’ai été nommé Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, je ne réalisais pas à quel point la transformation publique serait au cœur des actions de ce ministère que je rejoignais.

D’abord occupé à conduire une politique de la jeunesse ambitieuse – je pense notamment à la mise en œuvre du service national universel –, je me suis attelé à renforcer le tissu associatif pour qu’il soit toujours plus solide au cœur de nos territoires et auprès des plus fragiles.

De nouvelles formes d’engagement

Très vite, nourri de mes échanges, je me suis intéressé à la manière d’accompagner l’émergence de nouvelles formes d’engagement. En la matière, j’avais une conviction : on pouvait, on devait marier le dévouement et l’expérience des agents publics – tout particulièrement, ceux du ministère de la Jeunesse et des Sports – avec l’esprit innovant des jeunes et des bénévoles. Se posait alors un défi : comment l’Etat pouvait-il concevoir, avec les bénévoles, les associations et leurs bénéficiaires, une plateforme numérique qui devienne un catalyseur d’engagement ?

Mais, allons plus loin : ma conviction était aussi de parier sur la Réserve Civique, qui n’existait alors que sur le papier, comme un instrument de résilience, un cadre d’action au plus près des territoires mais aussi un outil pour les jours plus sombres. Si la crise était inédite par bien des aspects, elle a trouvé une administration prête à déployer rapidement des réponses à la hauteur de défis sans précédent.

La pandémie de Covid-19 a révélé, s’il en était besoin, la formidable – mais fragile – chaîne de solidarité que forment l’Etat et les associations. Dès les premiers jours du confinement, j’ai réuni les grandes associations de solidarité, dont l’action était indispensable pour qu’une crise sociale ne vienne pas s’ajouter à la crise sanitaire. Leur message a été unanime : la crise les privait de leurs bénévoles âgés, qui constituent leur base, et, sans renfort, la continuité de leur action pour les plus démunis était menacée.

Une mobilisation inédite

Le Président de la République, conscient de l’importance des associations auprès des plus fragiles, a lancé le 22 mars un appel à une grande mobilisation citoyenne. Quelques jours auparavant, il m’avait demandé de préparer un dispositif numérique et humain suffisamment robuste pour porter une telle mobilisation. En quelques jours, confinés chez nous, parfois dans nos bureaux au ministère, nous l’avons bâti : la plateforme numérique, jeveuxaider.gouv.fr, a permis la mobilisation de la Réserve Civique pour affronter la crise. En quelques jours, plus de 100 000 personnes se sont inscrites. Le soir de la prise de parole du Président à la télévision, le 22 mars, la plateforme enregistrait 25 000 inscriptions supplémentaires. Preuve, s’il en faut, qu’il existe bien une société de l’engagement en France, et que la solidarité entre les Français est puissante.

Si organiser une mobilisation citoyenne durant le confinement aurait pu relever de la gageure, l’injonction paradoxale apparente entre « restez chez vous » et « engagez-vous » a été annihilée par des actions limitées à des urgences impérieuses.

A la fin du confinement, plus de 310 000 personnes avaient rejoint la Réserve Civique. Cette crise inédite nous a appris beaucoup sur l’engagement de nos citoyens. Tout d’abord, dans les difficultés, les Français se sont largement engagés pour aider les plus vulnérables. Ce sont ainsi des Françaises et des Français de tous horizons, de tous les territoires et de toute condition sociale qui se sont engagés ; je dirais presque « de tous âges », car nous avons dû refuser des milliers de candidatures de mineurs et de personnes de plus de 70 ans qui se présentaient à nous, pour les protéger face aux risques sanitaires.

Un foisonnement d’initiatives

A côté de cette initiative de l’Etat, cette période a également vu un foisonnement d’initiatives, de dispositifs, publics ou privés, mais aussi locaux autour des maires (ou des présidents d’intercommunalités) pour organiser ce soutien bénévole au plus près des besoins. Souvent, les élus ont inventé leur propre réserve civique, avec les moyens du bord, avec leurs outils, découvrant en marchant ce que nous avions initié au plan national. Je me réjouis de cette profusion d’initiatives solidaires, et je forme le vœu qu’elles survivent à cette crise : la Réserve Civique ne peut continuer que si elle est ancrée dans les territoires et animée par les élus, tout en demeurant un grand mouvement civique national impulsé par l’Etat.

Enfin, cette crise a également démontré la puissance de l’outil numérique qui, s’il ne peut remplacer le lien physique, lui donne une dimension nouvelle pour se construire, s’épanouir, se renforcer. Je crois à une politique publique numérique de l’engagement : elle est nécessairement ancrée dans une philosophie de l’action publique, de l’amélioration constante des services rendus aux citoyens, de la co-conception avec les usagers, qu’ils soient organismes associatifs, élus locaux ou bénévoles. Cette politique numérique de l’engagement est possible aujourd’hui grâce au travail mené depuis des années par d’autres plateformes et acteurs de l’engagement, riches de leur savoir-faire et particularités : Tous bénévoles, France bénévolat, Benénova, Passerelles et compétences, Pro Bono Lab, parmi d’autres.

De nouveaux domaines d’action

C’est pourquoi, au-delà des enjeux nés de la crise, j’ai décidé d’ouvrir de nouveaux domaines d’action à l’engagement des réservistes citoyens. Dès la levée du confinement, nous avons opéré un progressif « retour à la normale » en déployant la Réserve Civique sur des champs tels que le soutien scolaire, l’encadrement d’activités sportives pour tous, le renfort dans les établissements médico-sociaux, l’accueil du public dans les commissariats de police

Au-delà de ce formidable engagement des réservistes, sur l’ensemble des territoires, nous nous devons de penser à demain : quelles seront les prochaines crises ? Comment les préparer, et avec qui ? Autrement dit, il nous revient de penser la résilience de notre société face aux prochaines situations d’urgence – car c’est durant les jours tranquilles que se forge la capacité de répondre dans l’adversité.  Une nation n’est jamais mieux armée que lorsqu’elle a su renforcer, en amont de la crise, le lien intergénérationnel, la mixité sociale, la connaissance et la confiance en l’autre.

C’est donc aujourd’hui qu’il faut former, accueillir, entraîner nos réservistes civiques pour les épreuves de demain. C’est aujourd’hui qu’associations, élus, services de l’Etat doivent imaginer leurs prochains défis et collaborations avec les réservistes. Ainsi, nous revoilà au point de départ de l’action publique : imaginer, anticiper et construire.

Gabriel Attal, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse